Et si l’érotisme s’apprenait ?
L’érotisme s’apprend-il ? Comprendre, développer et réinventer le désir
C’est une question que beaucoup n’osent pas poser…Et pourtant, elle est essentielle : L’érotisme s’apprend -t-il ? Ma réponse est claire : oui, absolument !
Et si vous ne vous sentez pas “érotique” aujourd’hui, cela ne dit rien de ce que vous pouvez devenir. Comme un langage, l’érotisme se développe, se nourrit, se façonne… avec le temps, avec les expériences, avec l’attention qu’on y met.
Ne pas confondre érotisme et pornographie
En préambule, j’aimerais vous parler d’un grand malentendu contemporain : la porosité entre l’érotisme et la pornographie. Là où l’érotisme prend le temps de parler, de suggérer, de frémir, la pornographie montre souvent sans nuance, sans lien, sans contexte. L’érotisme est une conversation. La pornographie, quant à elle, tend à devenir un monologue… ou plutôt un raccourci. Un raccourci vers l’excitation, certes, mais parfois un détour qui nous éloigne de nous-mêmes.
On y trouve des corps sans dialogue, des gestes sans intention, des orgasmes sans intimité. C’est un univers de l’instantané, du jetable. Et souvent, disons-le avec un sourire : c’est du “trou qui dit oui” comme une forme de consentement automatique, sans histoire, sans négociation, sans frisson du suspense. Le porno, tel qu’il est le plus souvent consommé aujourd’hui, est un format court. Très court. Un clip fait pour accompagner une masturbation rapide, bien plus qu’un espace pour nourrir une vie relationnelle, sensuelle, érotique ou fantasmatique en profondeur. Il ne raconte pas une histoire. Il n’invite pas à construire un langage. Il mise sur la décharge, pas sur le partage.
Et ce n’est pas un jugement : nous vivons dans une époque de vitesse, de flux, de clics. Le porno s’y adapte parfaitement. Il n’est ni diable ni héros. Mais il a ses effets, surtout lorsqu’il devient la principale source d’excitation sexuelle. Des études l’ont montré : une consommation excessive de pornographie peut être associée à une diminution du désir, à des troubles de l’érection, voire à une difficulté à ressentir du plaisir dans une sexualité réelle, relationnelle, incarnée (Park et al., 2016). En somme, trop d’écran peut finir par désaccorder le corps.
Et puis, il y a la question de l’imaginaire : ce que le porno mainstream nous propose, c’est souvent une sexualité centrée autour de la performance, de la domination, de la violence, plus que sur le lien, le jeu, la découverte de l’autre. Et c’est bien là, peut-être, la plus grande différence avec l’érotisme : ce dernier ne vise pas l’explosion, mais l’expansion.
Alors non, pas de culpabilité à avoir, ni blâme, seulement une invitation : celle de ralentir, de ressentir, de se reconnecter. Et, pourquoi pas, de réapprendre à se raconter une histoire à deux. Une histoire qui prend son temps et la littérature érotique peut être une ressource.
L’érotisme qu’est-ce que c’est alors ?
L’érotisme, c’est un monde à (re)découvrir. L’érotisme n’est pas une technique, ni un “truc” à savoir faire. C’est une langue intérieure, une manière de vous relier à vous-même et à l’autre, dans le plaisir, dans le jeu, dans la sensation. Et cela peut commencer… en dehors du sexe. Oui, vous avez bien lu ! L’art de nourrir son imaginaire.
Un des premiers chemins que je propose en consultation, c’est de recréer un lexique érotique personnel. Comme une bibliothèque intime de tout ce qui vous éveille, vous inspire, vous émeut… même si ce n’est pas sexuel au départ.
Voici quelques pistes : Une scène de film qui vous trouble (pas forcément explicite), un passage d’un livre, une chanson, une voix, une texture, une odeur, une ambiance, une lumière, une sensation de peau, de souffle et de lenteur…
L’érotisme se construit avec l’imaginaire. C’est une matière vivante, subtile, qui ne demande qu’à être réveillée. L’art est un portail vers l’érotique, ne sous-estimez jamais le pouvoir de l’art. L’érotisme peut passer par la musique, la danse, la cuisine, une peinture, une photographie, un film, un paysage…C’est tout ce qui vous fait ressentir, vous reconnecte au corps, aux émotions fines, aux frissons, aux attentes, aux surprises.
Référence : Levine, S. B. (2002). “Reexploring the concept of sexual desire.” Journal of Sex & Marital Therapy, 28(sup1), 39–51.
Reférence : Park et al. (2016), “Is Internet Pornography Causing Sexual Dysfunctions? A Review with Clinical Reports”, Behavioral Sciences, 6(3), 17.
Ce travail met en lumière l’importance de l’imagination, des émotions et de la subjectivité dans l’expérience du désir érotique.
Et concrètement, comment fait-on ?
– On ralentit : Pour ressentir, il faut du temps, du silence intérieur, de la place.
– On explore : Vous avez le droit de ne pas savoir ce qui vous touche. Ce n’est pas grave. C’est un chemin.
– On s’autorise : Le plaisir ne demande pas la performance, il demande de l’écoute.
Donc, l’érotisme s’apprend. Ce n’est pas un réflexe automatique, c’est un langage qu’on construit. Il ne dépend pas des images qu’on consomme, mais de ce qu’on cultive à l’intérieur. Vous avez le droit de (ré)apprendre à ressentir, imaginer, désirer autrement.
Et si aujourd’hui, vous commenciez par une question simple :
Qu’est-ce qui, sans être sexuel, vous touche profondément ?
C’est souvent là que commence une ouverture vers l’érotisme.
ps : l’érotisme se nourrit du fantasme, je vous invite à compléter cette lecture par l’article fantasme et fantaisie.







