Qui a envie d’un homme déconstruit ?
Qui veut vraiment d’un homme déconstruit ? Repensons la masculinité
Le mot circule partout, comme un badge un peu chic : homme déconstruit. Il serait, dit-on, l’homme moderne idéal, celui que la vague #MeToo aurait polissé à la lumière du consentement, de la parité et de l’introspection. On l’imagine sensible, conscientisé, prêt à examiner ses privilèges, à offrir des fleurs… et à faire la vaisselle.
Mais, question malicieuse : « qui a vraiment envie de vivre avec un homme déconstruit ? »
Une masculinité plurielle
Olivia Gazalé, dans Le Mythe de la virilité (Robert Laffont, 2017), raconte combien cette virilité traditionnelle repose sur trois piliers : maîtriser ses émotions, être combatif et être fort. Dans cette mythologie, l’homme doit tenir debout même sous l’orage, les poings serrés, le cœur sous clé.
L’homme « déconstruit » serait censé incarner l’exact opposé : accueillir ses émotions, renoncer à la compétition, admettre sa fragilité. Mais est-ce vraiment suffisant ? N’aurait-on pas plutôt envie d’un homme… construit autrement ?
Un homme qui ne se contente pas de jeter les vieilles briques du patriarcat, mais qui bâtit, patiemment, son propre plan d’architecte. Un homme qui connaît ses failles et sait en rire, qui peut pleurer mais aussi protéger, qui choisit sa manière d’être présent au monde. Ni statue de marbre virile, ni pâte à modeler sentimentale : une charpente humaine solide et souple à la fois.
Au fond, ce qui compte, c’est peut-être de se demander pourquoi les hommes ne s’approprient pas davantage la parole et le vocabulaire pour dire qui ils sont et ce qu’ils veulent être , un vocabulaire qui serait à la fois actuel, incarné et positif, plutôt qu’un terme comme homme déconstruit, qui sonne parfois comme une absence plus qu’une présence.
Puisqu’il existe plusieurs masculinités, pourquoi ne pas inventer des mots qui reflètent cette pluralité ?
Des mots qui disent la multitude des façons d’être un homme, sans les enfermer dans un moule ni les réduire à un archétype, pour éviter d’être à leur tour essentialisés. Peut-être est-ce là le vrai chantier : nommer la richesse des possibles, et ainsi donner aux hommes la liberté de se reconnaître dans leurs propres nuances.
Alors oui, peut-être qu’ un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse… Mais cette forêt qui pousse m’intéresse grandement.